(RCN J&D-UCOFEM-JED) A Goma, à l’est de la Rd Congo, les malades du
sida doivent désormais payer 2$ de « frais de consultation » pour
accéder aux antirétroviraux (ARV). Démunis, bon nombre d’entre eux n’a plus
accès à ces médicaments, pourtant gratuits selon la loi. Du coup, les décès augmentent.
Bernadette
Vivuya
La cinquantaine révolue, M.K, une personne vivant avec le VIH/sida (PVV)
de Goma au Nord-Kivu n’a plus pris ses ARV depuis près de six mois. « Où trouverai-je les 2$ des frais de
consultation ? », se demande-t-elle tristement. Veuve, elle a
quatre enfants à nourrir et à scolariser. La situation de M.K n’est pas un cas
isolé. Beaucoup de personnes porteuses du VIH/sida à Goma sont privées de médicaments
antirétroviraux. « Nous commencions à
reprendre espoir avec la gratuité des ARV. Mais maintenant, nous sommes
condamnés à mort avec cette exigence de 2$, car la plupart d’entre nous mène
une vie misérable », larmoie presque Kavira, une jeune femme.
Cette situation se vit depuis qu’en 2013, « Médecins du
Monde » a arrêté de subventionner l’Etat congolais au Nord-Kivu. Le
financement de cette ONG internationale a duré près de 10 ans. Elle prenait en
charge les frais d’hospitalisation et la prime du personnel traitant. Faute de prise du relais par l’Etat, les hôpitaux
provinciaux obligent désormais les PVV à payer 2$, appelés « frais de
consultation ». Mais en réalité, ils servent à autre chose. « Il n’y a plus de fonds alloués au
département de prise en charge des PVV. Les 2$ constituent une prime
d’encouragement. Car les infirmiers et médecins ont besoin d’être motivés pour
bien travailler. On n’a pas le choix », explique Didy Baabo, infirmier
au service de prise en charge des PVV à l’Hôpital provincial du Nord-Kivu (HPNK).
Beaucoup plus de morts
L’abandon des médicaments par les malades a des conséquences graves. Selon
les statistiques du Programme national de lutte contre le sida (PNLS), « sur les trois institutions sanitaires
de l’Etat de Goma, en moyenne 60% des PVV décèdent seulement quelques temps
après le démarrage de la prise des ARV ». « Cela s’explique par plusieurs cas de malades perdus de vue qui
reviennent dans les hôpitaux à une phase avancée de la maladie », signale
la Dr Elisabeth Mishiki, assistante technique au PNLS. Coordonnateur programme
VIH à « Médecins du Monde », le Dr Grégoire Kambale
explique : « Ce phénomène
est dangereux car il conduit des patients à développer des infections
opportunistes telles que : les éruptions cutanées appelées dermatoses, une
toux aigüe, une perte sévère de poids et dans plusieurs cas, la tuberculose
extra-pulmonaire, les entérites ou diarrhées chroniques et aigües qui, a fortiori,
les condamnent à la mort. » « C’est
évident que les 2$ constituent une cause à ne pas négliger. Mais le nœud du
problème se situe surtout au niveau des frais d’hospitalisation qui peuvent
allez de 100 $ à 150 $», soutient Véronique Kabuyanga, réceptionniste au
service de prise en charge des PVV à l’HPNK. Cependant, Baabo souligne que le
taux de décès est beaucoup plus important, car « beaucoup meurent dans leurs maisons ».
Violation de la loi
« L’Etat ne se soucie pas de nous. Il a tourné son
regard sur les violences sexuelles. Nous devons désormais nous battre sans lui.
Or, nous sommes démunis», déplore
une malade. Pourtant, la loi du 14 juillet 2008 portant protection des droits
des personnes vivant avec le VIH/sida et des personnes affectées est claire.
Elle dispose en son article 13 que «
les antirétroviraux sont donnés gratuitement et cela pendant toute la vie ».
Les articles 12 et 5 de cette même loi soulignent que l’Etat congolais doit
rendre accessibles les médicaments. Pour la Dr Mishiki « malgré la suspension de fonds des bailleurs, l’Etat s’arrange
pour apporter les ARV au pays. Ceux-ci restent gratuits. Avec la cherté de ces
médicaments, les patients ne pouvaient pas s’en sortir en dépensant 50 $ par
boîte et cela pendant toute la vie». Ce que ne comprend pas Norbert
Munyabarenzi, avocat à Goma. « C’est
une violation de la loi. Les frais de consultation font partie de la
gratuité », précise-t-il, avant de suggérer que « les
structures sanitaires interpellent le gouvernement pour qu’il revoie ses
clauses et accomplisse ses devoirs.»
Thérèse Demba, responsable de l’association Tumaini pour la prise en charge et
l’intégration dans la vie sociale de la personne vivant avec le VIH/sida enchaîne : « Les 2$ confrontent les PVV au risque
de se prostituer et de continuer à propager le virus. Le gouvernement doit les
supprimer.» Et Mutete Mudenga, ministre provincial de la Santé du Nord-Kivu,
d’apaiser : « L’amélioration
de la prise en charge des PVV est une préoccupation majeure pour l’Etat
congolais. Nous attendons de finir le projet pour le présenter à
l’autorité, afin qu’il soit inséré dans le budget provincial de cette année.»
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire