jeudi 25 décembre 2014

Goma Censés être gratuits, les antirétroviraux coûtent 2$



(RCN J&D-UCOFEM-JED) A Goma, à l’est de la Rd Congo, les malades du sida doivent désormais payer 2$ de « frais de consultation » pour accéder aux antirétroviraux (ARV). Démunis, bon nombre d’entre eux n’a plus accès à ces médicaments, pourtant gratuits selon la loi. Du coup, les décès augmentent.
Bernadette Vivuya

La cinquantaine révolue, M.K, une personne vivant avec le VIH/sida (PVV) de Goma au Nord-Kivu n’a plus pris ses ARV depuis près de six mois. « Où trouverai-je les 2$ des frais de consultation ? », se demande-t-elle tristement. Veuve, elle a quatre enfants à nourrir et à scolariser. La situation de M.K n’est pas un cas isolé. Beaucoup de personnes porteuses du VIH/sida à Goma sont privées de médicaments antirétroviraux. « Nous commencions à reprendre espoir avec la gratuité des ARV. Mais maintenant, nous sommes condamnés à mort avec cette exigence de 2$, car la plupart d’entre nous mène une vie misérable », larmoie presque Kavira, une jeune femme.
Cette situation se vit depuis qu’en 2013, « Médecins du Monde » a arrêté de subventionner l’Etat congolais au Nord-Kivu. Le financement de cette ONG internationale a duré près de 10 ans. Elle prenait en charge les frais d’hospitalisation et la prime du personnel traitant.  Faute de prise du relais par l’Etat, les hôpitaux provinciaux obligent désormais les PVV à payer 2$, appelés « frais de consultation ». Mais en réalité, ils servent à autre chose. « Il n’y a plus de fonds alloués au département de prise en charge des PVV. Les 2$ constituent une prime d’encouragement. Car les infirmiers et médecins ont besoin d’être motivés pour bien travailler. On n’a pas le choix », explique Didy Baabo, infirmier au service de prise en charge des PVV à l’Hôpital provincial du Nord-Kivu (HPNK).
Beaucoup plus de morts
L’abandon des médicaments par les malades a des conséquences graves. Selon les statistiques du Programme national de lutte contre le sida (PNLS), « sur les trois institutions sanitaires de l’Etat de Goma, en moyenne 60% des PVV décèdent seulement quelques temps après le démarrage de la prise des ARV ». « Cela s’explique par plusieurs cas de malades perdus de vue qui reviennent dans les hôpitaux à une phase avancée de la maladie », signale la Dr Elisabeth Mishiki, assistante technique au PNLS. Coordonnateur programme VIH à « Médecins du Monde », le Dr Grégoire Kambale explique : « Ce phénomène est dangereux car il conduit des patients à développer des infections opportunistes telles que : les éruptions cutanées appelées dermatoses, une toux aigüe, une perte sévère de poids et dans plusieurs cas, la tuberculose extra-pulmonaire, les entérites ou diarrhées chroniques et aigües qui, a fortiori, les condamnent à la mort. » « C’est évident que les 2$ constituent une cause à ne pas négliger. Mais le nœud du problème se situe surtout au niveau des frais d’hospitalisation qui peuvent allez de 100 $ à 150 $», soutient Véronique Kabuyanga, réceptionniste au service de prise en charge des PVV à l’HPNK. Cependant, Baabo souligne que le taux de décès est beaucoup plus important, car « beaucoup meurent dans leurs maisons ».
Violation de la loi
« L’Etat  ne se soucie pas de nous. Il a tourné son regard sur les violences sexuelles. Nous devons désormais nous battre sans lui. Or, nous sommes démunis», déplore une malade. Pourtant, la loi du 14 juillet 2008 portant protection des droits des personnes vivant avec le VIH/sida et des personnes affectées est claire. Elle dispose en son article 13 que « les antirétroviraux sont donnés gratuitement et cela pendant toute la vie ». Les articles 12 et 5 de cette même loi soulignent que l’Etat congolais doit rendre accessibles les médicaments. Pour la Dr Mishiki « malgré la suspension de fonds des bailleurs, l’Etat s’arrange pour apporter les ARV au pays. Ceux-ci restent gratuits. Avec la cherté de ces médicaments, les patients ne pouvaient pas s’en sortir en dépensant 50 $ par boîte et cela pendant toute la vie». Ce que ne comprend pas Norbert Munyabarenzi, avocat à Goma. « C’est une violation de la loi. Les frais de consultation font partie de la gratuité », précise-t-il, avant de suggérer que « les structures sanitaires interpellent le gouvernement pour qu’il revoie ses clauses et accomplisse ses devoirs Thérèse Demba, responsable de l’association Tumaini pour la prise en charge et l’intégration dans la vie sociale de la personne vivant avec le VIH/sida enchaîne : « Les 2$ confrontent les PVV au risque de se prostituer et de continuer à propager le virus. Le gouvernement doit les supprimer.» Et Mutete Mudenga, ministre provincial de la Santé du Nord-Kivu, d’apaiser : « L’amélioration de la prise en charge des PVV est une préoccupation majeure pour l’Etat congolais. Nous attendons de finir le projet pour le présenter à l’autorité, afin qu’il soit inséré dans le budget provincial de cette année.»

                                                                                                                                                



 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire